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01. Assurance frontière

#007  mardi 6 décembre 2005

Marseille est une ville de sable

Marseille est une ville de sable. Rien n’y durcit vraiment en vestiges debout d’un passé plusieurs fois millénaire. Ce qui est dur est récent et témoigne d’une prospérité d’hier. Son histoire est un tas de sable, meuble et mouvant. Chaque grain a sa couleur, sa texture particulière, sa transparence et son opacité. Chaque grain est un homme posé là par une vague, successive et sans cesse recommencée. Sur le seuil, elles laissent une trace frangée, signe du flux et de son reflux. Une vague est une forme complexe qui prend loin son origine dans un tumulte sous-marin. En son cœur, lutte le flot qui reflue et l’eau nouvelle qui déjà arrive. La rive bouillonne ainsi de forces contraires.
Autrement dit : Marseille est une ville port, une ville monde. Son destin est inextricablement lié à la marche du monde. Elle se nourrit au mélange des peuples et bientôt ces sangs mêlés feront le sel riche de sa diversité.
Pour l’heure : Marseille est traversée de frontières invisibles. On ne connaît souvent que les trajets pressés de ses propres pas. On ne sait rien de ce que l’on voit de loin, de ces cités vigies qui servent de portes à la ville. Car on ne traverse pas impunément une frontière, fut-elle invisible. Certains ne marchent même plus au-delà la Canebière, ne considèrent plus le centre de la ville comme une place marchande où l’on peut se rendre mais comme un lieu conquis et vaincu par les enfants d’ailleurs. Ceux dont la peau et les mots leur font tellement peur. Ces frontières sont dans nos têtes bien ancrées, crénelées d’idées reçues.
Un regret : faute d’avoir rencontré de la vie sur Mars ou une autre lointaine planète soeur, nous sommes toujours des étrangers.

Benoit Gilles
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